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Cleaz Words
26 juin 2009

L'effet pygmalion

MP04Chapitre 1

« Elle va me quitter. J’en suis certain.

Chacun de ses regards. Elle se moque de moi. Chacune de ses regards envers un autre. Elle me provoque. Chacun de ses regards envers un autre et ses rires. Elle essaye de me dire qu’elle peut tomber amoureuse à tout instant. Chacun de ses regards envers un autre et ses rires, et ses jeux. Et elle m’ignore. Je déteste quand elle m’ignore. C’est ses amis. Ses collègues de travail. Je n’en ai rien à faire. Je ne voulais pas être ici.

Elle est si belle. Je n’aurais jamais cru qu’une fille comme elle puisse s’intéresser à moi. Mais j’étais cultivé. Très soigné. Et puis…Je ne sais pas. Elle n’était pas bien à cette période là, sa famille peu présente, des déceptions amoureuses. Et voilà qu’une fille de la haute société s’intéresse à moi.

La Belle

et

la Bête.

La Belle

et le Clochard.

La Belle

et moi.

Elle veut me quitter. Ou pire, juste me tromper.

Elle me répète que non. Elle me le susurre, me le murmure, me l’affirme, me l’affirme encore et encore avec conviction. Elle me le crie. Elle me le hurle. Elle me le hurle de toutes les vibrations possibles de ses cordes vocales. Elle me le pleure. Toute la nuit. Parfois peu de temps. De moins en moins de temps.

Et puis elle dit peut-être.

Que c’est à cause de moi.

Ma jalousie. Mes excès d’humeur.

Mais c’est faux. C’est parce qu’elle est humaine et donc faible. Et moi je suis un homme fort, mais pas assez bien pour elle.

Je l’emmène au théâtre et elle m’aime.

Mais la foule. Des gens mieux que moi. Des costumes mieux taillés. Plus grand. Plus beau. Probablement plus riche. Meilleur statu social.

Je n’ai pas à me plaindre. Mais il y a mieux que moi. Je ne m’en doutais pas jusqu’à ce que je puisse le percevoir dans des yeux.

Je brûle. Je bois. Ma vision est de plus en plus partielle et je vois de plus en plus son petit jeu. Ce grand blond. Il a beau avoir sa copine à son bras, plus belle que la mienne, je sens qu’il la désire aussi. Comme un animal. « Je ne peux pas j’ai un copain –Mais moi aussi je suis pris ».

Je vois dans leurs yeux la flamme. Je les hais. J’aimerais lui faire une scène mais  je préfère juste tourner mon regard lorsqu’enfin elle daigne me regarder. Elle n’imagine pas encore le silence qui va lui tomber dessus en rentrant. Elle va sourire lorsque nous entrerons dans la voiture. Et elle verra que je ne dis rien. Elle demandera si j’ai aimé la soirée et je lui planterai un couteau brusquement de mon froid regard.

Elle dira qu’elle n’en peut plus. Et que je me fais des idées. Et que c’est toujours pareil avec moi.

Et je vais l’aimer.

Et je vais la haïr.

Elle va me quitter. J’en suis certain. »

Chapitre 2

Augustin est né en banlieue. Comme tout enfant de banlieue, il a connu l’alcoolisme d’un de ses proches, la violence d’un couple qui ne peut s’aimer, la solitude, l’entraide de gens bien qui n’aspirent pas à grand-chose. Les votes à gauche ou à l’extrême droite. Les cadeaux et les huissiers. Les sous-marques et la honte qu’elles pouvaient représenter dans des milieux pourtant pauvres. Augustin n’était pas plus intelligent que les autres, mais ils avaient des parents cultivés. Probablement dans le milieu de l’enseignement.

Augustin ne venait pas d’une famille suffisamment noble pour être rejeté en cet endroit, mais il venait d’un milieu cultivé. Cette infime différence ne représentait rien dans les milieux bourgeois parisiens. Mais, là où vivait Augustin, cela avait changé sa vie. Car, voyez-vous, au milieu d’une bande d’enfants ordinaires, le simple fait de connaitre Kandinsky ou de regarder les informations nationales fait office d’ornement. Si bien que, à un âge où il est interdit de mettre les élèves en concurrence, la simple conviction qu’Augustin n’était pas un élève comme les autres lui avait fait pousser des ailes. Augustin était un élève brillant. Les professeurs le poussaient, en demandaient plus tout en donnant plus, si bien qu’Augustin était passé le premier de la classe sans qu’aucun talent naturel n’ait eu à jouer.

Et malheureusement pour lui, Augustin emmagasinait toute la confiance qu’un jeune homme de son âge pouvait espérer. D’une école faible il passa à un collège faible, puis un lycée faible. Augustin obtenait les félicitations. Il était, dans le quartier comme dans la vie, considéré comme brillant. Certains de ses camarades bien plus intelligents et méritants s’écrasaient face au destin. Augustin n’obtenait pas seulement de la confiance, il obtenait du pouvoir : des circonstances atténuantes pour ses échecs, des encouragements poussés lorsqu’il était pourtant à sn maximum.

Faire du piano, lire un livre, regarder Arte, aimer du rock, s’habiller chez Armand Thierry…Il en fallait peu pour briller. Et Augustin avait compris tous les rouages. Il était brillant. Et obtenir un baccalauréat avec la mention Bien, minimum pour quiconque, se transformait en « tu pourrais faire mieux ». Augustin, génie sans aucun talent, avait compris son arme la fainéantise. Toute médiocrité pourrait s’expliquer par cette invincible arme. Alors qu’il n’aurait point fait mieux avec du travail.

Augustin ne mérite pas notre estime. Ne l’oubliez jamais. Jamais. Ne vous laissez pas tromper.

Chapitre 3

« La haine de soi. Je me lève et je me hais. Je prends ma douche et je me hais. Je me rase et je me hais. Je mets ma crème hydratante uniquement pour cela. Tout comme mon fond de teint qui n’est là que pour dissimuler les effets de mon autobronzant qui attend le prochain week-end ensoleillé pour dévoiler toute son efficacité. Je présente bien. Je suis suffisamment classe pour être au dessus de tous les autres jeunes embauchés de la boite qui viennent parfois d’Ecole pourtant jugées supérieures à la mienne. Et suffisamment jeune pour ne pas être trop conservateur et apprécié.

Voilà. C’est moi. Une heure dans une salle de bain. C’est moins qu’un métrosexuel, plus qu’un Républicain. Une heure à savoir qui je suis. Rattraper une mèche. Admirer un visage pourtant disgracieux. Chercher l’image qui me permettrait de m’aimer. Le miroir est un sport. Je cherche une position, LA position qui peut m’avantager. Et lorsqu’enfin je puis me trouver beau, je me fige. J’espère pouvoir prendre une photo. Mais alors je bouge et me rends compte que c’est impossible. Je suis ce visage. Je n’ai pas le choix. Quelqu’un qui aime les belles choses mériteraient un plus beau visage. Mais non.

C’est superficiel. Je sais. Et ? Les gens mal soignés sont comme moi. Ils veulent tellement rendre l’image de personnes négligées qu’ils deviennent des caricatures d’eux-mêmes. Au final, ils renvoient une superficialité égale à la mienne. Ca les fait chier quand je leur dis ça. Mais c’est la vérité. Nous sommes tous des images aux yeux des autres. Le jeu vidéo a inventé la 3D pendant que nous offrons nos personnalités en 2D. Binaire. 1 0 1 0. Le questionnaire de Proust est la plus belle invention au monde.

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