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Cleaz Words
9 mars 2009

LA DERNIERE LETTRE

pollock

Je crois que c’est fini. Il n’y a plus rien à sauver. Ne m’en voulez pas. J’ai fait des efforts. Voilà plus de trente ans que je fais des efforts. J’ai cru que ça passerait. Et puis non. Je dois m’y résoudre, m’y contraindre….

 

J’ai longtemps cru que c’était ma crise d’adolescence, plus tardive et plus longue que chez les autres. Alors j’ai attendu. J’ai grandi, vécu. J’ai eu tout les plus beaux succès que la vie puisse offrir. Jeune cadre dynamique en pleine réussite, j’ai tout de même trouvé le temps de finir ce roman que j’avais commencé bien des années auparavant. A m on grand étonnement, ce fut un succès : reconnu internationalement, succès chez les élites comme dans les classes populaires, un grand réalisateur rachetant les droits, mon histoire joué par les meilleurs acteurs possibles. Je suis devenu immensément riche et reconnu, une reconnaissance de tous, unanime. J’étais l’invité de tous les plateaux télé. On m’interrogeait sur tout, on m’écoutait comme le prophète. L’argent m’a permis de m’acheter les plus beaux costumes dont je rêvais plus jeune. J’avais pu grâce à ma richesse construire autour de moi tout le monde « parfait » que j’avais imaginais : ce loft à New York, cette villa sur

la Méditerranée

, mes habits Dior, ma montre Rolex… Dans ma jeunesse, j’ai longtemps cru que c’était ce qu’il m’avait manqué, l’argent, et un peu de reconnaissance. Alors j’ai attendu, et travaillé pour obtenir tout cela. Et finalement…

 

D’autres m’ont dit que ce n’est pas cela qui comptait, mais que c’était l’amour d’une femme et d’enfants. Ma reconnaissance m’a permis de faire l’amour aux plus belles femmes du monde. J’ai touché de mes lèvres tant de sensualité et de volupté. J’ai eu le droit aux plus belles scènes romantiques shakespearienne, à de folles déclarations d’amour. J’ai reçu presque autant d’amour que Jésus et John Lennon réunis. J’ai épousé la plus belle femme au monde, la plus douce, la plus gentille, la plus intelligente, la plus raffinée… J’ai eu les plus beaux enfants imaginables, vifs, intelligents…Et pourtant….

 

 

Je suis l’homme le plus admiré, le plus jalousé au monde, et je suis tellement malheureux, un putain de mal-être qui me colle à la peau. C’est comme si depuis tout jeune, mon cœur s’était arrêté de battre. Je suis comme cet être végétatif dont le cerveau est mort, que l’on entretient artificiellement en vie. Mon cœur ne bat plus, mais mon sang circule le long de mes veines. Mais ce légume, on le laisse mourir. Il faut à un moment que l’on débranche tous les appareils qui le maintiennent en vie….

 

On m’a conseillé souvent de suivre une thérapie, que exhorter les fantômes de mon passé pourrait peut-être me redonner le goût à la vie. C’est donc ça ? Passer ma vie à me soigner avec l’espoir fou de ne pas être trop vieux lorsque je serais guéri pour profiter d’une vie enfin retrouvée ?

 

Je n’en peux plus. J’ai réuni un contexte suffisamment favorable pour que le bonheur soit là. Il n’y est pas. A quoi bon l’attendre ? Je ne veux pas ressembler à ces deux pantins de Beckett.

 

Pardonnez-moi.

Je veux mourir. Je vais mourir. Comme Elliott Smith.

 

*


«  Raphaël, il faut que tu travailles maintenant, tu as les capacités, exploite-les… ».

Je ne suis pas paranoïaque. Mais je vous en supplie, arrêtez de vouloir m’assassiner comme je m’assassine...

Il me reste l’espoir. Mais chaque jour, vos pressions de toutes sortes, ainsi que mon perfectionnisme, me pousse soit au bonheur, soit à la mort.

Est-ce ça la vie ? Passer tout son temps à courir après des milliers de choses et au moment de les obtenir, faire tout pour les éviter pour se dire que sa vie avec un peu plus de chance aurait pu être meilleure ? Est-ce cela la vie, sentir le souffle du bonheur au dessus de sa tête, et de ne jamais lever les bras, de peur de le sentir se dissiper…. ?

J’ai peur.

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